ÉNERGIE

Le trou d'air éolien et le rebond des prix : analyse marché électricité octobre 2025

Hausse du prix SPOT (+65%) et chute de l'éolien. Analyse d'un mois paradoxal marqué par des taux de capture records pour la filière solaire.


Octobre 2025 marque une rupture nette avec la douceur de la rentrée. Si les températures sont restées clémentes, le marché, lui, s'est réchauffé. Caractérisé par une chute brutale de la production éolienne compensée par un solaire étonnamment vaillant, ce mois nous offre une leçon sur la formation des prix et les phénomènes de capture.

Chez Kuartz, nous accompagnons au quotidien des développeurs et des agrégateurs dans la gestion de leurs actifs. Ce mois d'octobre est un cas d'école pour démontrer que le volume ne fait pas tout : dans l'énergie, le timing est roi.


 

1. Prix SPOT : la fin de l’abondance, le retour de la tension

Le premier constat frappant à la lecture des données d'octobre, c'est le changement d'ambiance radical sur les marchés de gros. Nous sommes sortis de la douceur de septembre pour entrer dans une dynamique de pré-hiver, accentuée par des contraintes d'offre.

Un bond significatif du prix moyen

Le prix moyen de l'électricité a grimpé en flèche, s'établissant à 58€/MWh contre seulement 35€/MWh le mois précédent. C’est une augmentation de près de 65% en l’espace de trente jours.

Pour comprendre cette hausse, il ne faut pas seulement regarder la demande (qui remonte naturellement avec la baisse des températures et le raccourcissement des journées), mais surtout l'offre. Comme nous le détaillerons plus tard, le système électrique a été privé d'une grande partie de sa production éolienne de base. Mécaniquement, le Merit Order (l'ordre d'appel des centrales) a dû solliciter davantage de moyens de production pilotables (gaz, hydraulique) qui sont plus onéreux, tirant ainsi le prix moyen vers le haut.

Cependant, il est essentiel de remettre ce chiffre en perspective historique pour rassurer les investisseurs :

  • 2022 : 179€/MWh (crise sur les marchés de l’énergie)
  • 2023 : 85€/MWh (sortie de crise)
  • 2024 : 63€/MWh (stabilisation)
  • 2025 : 58€/MWh

Nous assistons donc à une stabilisation continue du marché. Le prix de 58€/MWh est un signal bonne santé du marché : un prix suffisamment élevé pour rémunérer les producteurs, mais bien loin des sommets des années précédentes.

La quasi-disparition des prix négatifs

C'est sans doute la meilleure nouvelle pour les agrégateurs et les responsables de l'équilibrage. Les épisodes de prix négatifs, qui avaient lourdement pesé sur la rentabilité des actifs en septembre, se sont raréfiés.

  • Nombre d'heures négatives : chute de 57h (septembre) à 20h (octobre)
  • Prix minimum : le plancher est remonté de -53€/MWh à -2€/MWh

Cette donnée est essentielle. Un prix minimum de -2€ signifie que même lors des creux de consommation (généralement les week-ends ou les nuits très ventées), le réseau n'a jamais été en situation de surplus critique. La gestion des surplus a été excellente, ou de manière plus probable, les surplus n'ont tout simplement quasiment pas existé.

Pour un exploitant de parc, cela signifie moins de régulation à la baisse, moins d'arrêts forcés et une valorisation plus fluide de la production. La durée maximale des épisodes négatifs est restée stable et courte (7h), prouvant que ces phénomènes étaient ponctuels et rapidement corrigés par le marché.

Des pointes de prix qui reviennent

À l'inverse, le plafond des prix a augmenté. Le prix SPOT maximum a atteint 157€/MWh, contre 133€/MWh en septembre.

Ceci est un indicateur de tension sur le réseau. Ces pics surviennent généralement lors de la "pointe du soir" (vers 19h00), au moment où l'activité domestique reprend, où le chauffage s'allume, mais où le solaire s'éteint. Avec un écart de prix maximum de 128€ sur le mois, la volatilité intra journalière reste présente, offrant des opportunités intéressantes pour les actifs flexibles (batteries, effacement) que nous supervisons via nos plateformes.


 

2. Filière éolienne : “less is more” ?

Le mois d'octobre 2025 restera dans les annales comme un mois "sans vent". Pour les exploitants éoliens, les données de production sont moroses, mais l'analyse financière révèle une surprise de taille.

L’effondrement de la production

Les chiffres sont clairs : le facteur de charge éolien a chuté à 13,18%, contre près de 21% en septembre. C'est un niveau particulièrement bas pour un mois d'automne, période où l'on s'attend généralement à voir les premières grandes dépressions atlantiques balayer l'Europe.

Conséquence directe : l'éolien n'a joué qu'un rôle figurant dans le mix électrique ce mois-ci. En effet, seulement 5,09% de la demande a été couverte par le vent, soit trois fois moins qu'en septembre (15,34%).

Ce "trou d'air" explique en grande partie la remontée des prix SPOT évoquée plus haut. L'absence de cette production de masse à coût marginal nul a obligé le marché à payer plus cher son électricité.

Le paradoxe de la valeur : un taux de capture exceptionnel

Si l'on s'arrête aux volumes, le mois est mauvais. Mais si l'on regarde la valeur, le constat est tout autre.

Les parcs éoliens ont affiché un taux de capture de 84,60%, un bond spectaculaire par rapport aux 67,70% de septembre. Le prix capturé, quant à lui, s’établit à 49€/MWh (le double du mois précédent !).

Comment expliquer qu'en produisant moins, l'éolien se valorise mieux ? C'est dû à l'absence de l'effet “cannibale". En septembre, quand il y avait du vent, il y en avait partout en même temps, ce qui faisait chuter les prix au moment où les éoliennes tournaient. En octobre, la production étant rare, elle n'a pas saturé le réseau.

En plus, les quelques moments où le vent a soufflé ont coïncidé avec des heures de demande soutenue, permettant aux producteurs de vendre leurs MWh à un prix très proche du prix moyen du marché.

3. Filière solaire : l’été indien inattendu

Alors que les jours raccourcissent naturellement, la filière solaire a déjoué les pronostics en affichant des performances supérieures à celles de septembre.

Une anomalie positive de production

Contre toute attente saisonnière, le facteur de charge solaire a augmenté, passant de 13,51% à 17,48%. Cela traduit un mois d'octobre exceptionnellement lumineux et sec, contrastant avec un mois de septembre qui fut probablement plus nuageux. Pour un mois d'octobre, voir les panneaux produire à près de 18% de leur capacité théorique est une excellente nouvelle pour les propriétaires d'actifs photovoltaïques.

Le taux de couverture solaire grimpe ainsi à 10,97% (contre 8,71% en septembre). Fait rare en automne : le solaire a couvert deux fois plus de besoins en électricité que l'éolien !

La performance du mois : un taux de capture record

Si l'éolien a bien performé en prix, le solaire a, lui, réalisé un exploit avec un taux de capture de 96,35% et un prix capturé : 55€/MWh (contre 21€/MWh en septembre).

C'est une statistique presque incroyable pour le solaire. Habituellement, le profil de production en cloche (pic à midi) concentre l'offre sur quelques heures, ce qui écrase les prix (c'est la fameuse “Duck Curve").

Pourquoi un tel succès en octobre ? C’est dû à un manque de synergie avec l'éolien. Comme il y avait très peu de vent, la base décarbonée était faible. Alors, même au pic de midi, le solaire n'a pas suffi à créer des surplus massifs. Les centrales à gaz ont dû continuer à tourner même en milieu de journée pour compléter l'offre, maintenant ainsi les prix à un niveau élevé, même à 13h00.

Le solaire a donc profité d'un boulevard laissé vide par l'éolien. Il a produit beaucoup (pour la saison), et il a vendu cher. Pour les producteurs PV, octobre 2025 est, financièrement parlant, un mois "parfait".


 

Conclusion

Octobre 2025 nous rappelle une règle d'or du marché de l'énergie : la rareté crée la valeur.

L'éolien, par son absence, a soutenu les prix. Le solaire, par sa présence inattendue, a capturé cette valeur. Pour nos clients, ce mois souligne l'importance d'outils de supervision performants pour anticiper ces mouvements. Savoir que son parc éolien va peu produire est une information d’une importance capitale. Savoir que chaque MWh produit vaudra deux fois plus cher l'est tout autant pour adapter sa stratégie de maintenance ou de vente.

Novembre s'annonce comme le vrai début de l'hiver électrique. Le retour probable du vent, couplé à la baisse des températures, redistribuera sans doute les cartes une nouvelle fois. Rendez-vous le mois prochain pour décrypter ces nouveaux phénomènes.

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